Le programme TEEB : la synthèse– Préface de Pavan Sukhdev et l’Équipe de la TEEB

 

En 2007, alors qu’ils étaient réunis à Potsdam, en Allemagne, les ministères de l’Environnement des pays du G8+51 ont convenu « d’engager le processus d’analyse des bénéfices économiques globaux de la diversité biologique, les coûts de la perte de biodiversité et l’échec à prendre des mesures de protection par rapport aux coûts de conservation efficace ».

 

Fruit de cette décision, l’Étude de l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) a publié une série de rapports qui se penche sur les besoins des principaux groupes d’utilisateurs : les décideurs locaux et nationaux, les entreprises et le grand public.

 

La présente synthèse complète, sans toutefois tenter de résumer, les autres produits de la TEEB. Elle a pour objectif de mettre l’accent sur l’approche adoptée par la TEEB et d’illustrer celle-ci : à savoir montrer comment des concepts et outils économiques peuvent aider à doter la société des moyens d’incorporer les valeurs de la nature aux processus de prise de décisions à tous les niveaux.

 

L’application de la pensée économique à l’utilisation des services liés aux écosystèmes et à la biodiversité peut aider à clarifier deux points critiques : la raison pour laquelle la prospérité et la réduction de la pauvreté dépendent du maintien du flux des bénéfices découlant des écosystèmes, et la raison pour laquelle une protection de l’environnement couronnée de succès doit puiser sa source dans des concepts économiques sensés, y compris la reconnaissance explicite, l’attribution efficace et la distribution équitable des coûts et des bénéfices de la conservation et de l’utilisation viable des ressources naturelles.

 

L’analyse de la TEEB s’appuie sur les travaux exhaustifs réalisés dans ce domaine au cours des dernières décennies. La TEEB présente une approche susceptible d’aider les décideurs à reconnaître, démontrer et, le cas échéant, saisir les valeurs des écosystèmes et de la biodiversité. La TEEB reconnaît également la pluralité des valeurs que les personnes attribuent à la nature ainsi que la multitude des techniques disponibles aux fins de leur évaluation.

 

Les valeurs de la nature varient en fonction des circonstances écologiques et biophysiques, ainsi que du contexte social, économique et culturel. Pour obtenir une image d’ensemble complète de l’économie, les valeurs intangibles, susceptibles de refléter la volonté d’une société de payer afin de préserver des espèces ou des paysages, ou de protéger des ressources communes, doivent être analysées au même titre que les valeurs tangibles telles que la nourriture ou le bois d’oeuvre.

 

L’évaluation n’est pas considérée comme une panacée, mais plutôt comme un outil permettant de procéder à un recalibrage de la boussole économique défectueuse qui nous a menés à des décisions préjudiciables à la fois à notre bien-être actuel et à celui des générations futures. L’invisibilité des valeurs de la biodiversité a souvent encouragé une utilisation inefficace et même la destruction du capital naturel qui est à la base de nos économies.

 

La TEEB a pour objectif de servir de pont entre la science pluridisciplinaire de la biodiversité et l’arène de la politique nationale et internationale ainsi que les pratiques commerciales et le gouvernement local. La portée de la TEEB est internationale et devrait par conséquent être vue comme une inspiration et une invitation pour autrui à renforcer ses résultats et à développer des recommandations plus adaptées à chaque contexte spécifique. L’idéal serait que la TEEB serve de catalyseur pour permettre d’accélérer le développement d’une nouvelle économie : une économie dans laquelle les valeurs du capital naturel et les services écosystémiques que ce capital fournit se reflètent pleinement dans le principal processus de prise de décision public et privé.

 

L’achèvement de l’étude et la publication de la présente synthèse surviennent à un moment où la communauté mondiale dispose de l’occasion sans précédent de repenser et reconfigurer la façon dont les gens gèrent les ressources biologiques. Une nouvelle vision pour la biodiversité, dotée de cibles limitées dans le temps et d’indicateurs précis, est en passe d’être formulée par la Convention sur la diversité biologique (CDB), dans le cadre de cette Année internationale de la biodiversité. L’approche de la TEEB à l’intégration des valeurs de la nature au processus de prise de décisions économiques peut contribuer à la concrétisation de cette vision.

 

Fait décisif, les recommandations de la TEEB visent bien au-delà des attributions de la plupart des institutions et ministères de l’Environnement. La TEEB cherche à guider et initier de nombreux processus et initiatives à l’échelle nationale et internationale, notamment :

les délibérations des groupes de nations du G8+5 et du G20, qui se sont engagés à l’égard d’une transition vers une croissance plus verte et plus durable ;

les Objectifs du Millénaire pour le développement,  auxquels ont adhéré toutes les nations, promettant de les atteindre d’ici 2015 ;

la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, également connue sous le nom de Sommet de la Terre « Rio + 20 », prévue en 2012 ;

• les efforts visant à intégrer l’environnement aux services financiers, sous la houlette des Nations Unies ;

• l’examen et la mise à jour en continu des directives des entreprises multinationales qui cherchent à promouvoir une conduite commerciale responsable, par l’OCDE et plusieurs pays en voie de développement ; et

• les divers codes, directives et déclarations volontaires portant sur les services écosystémiques et la biodiversité rédigés par et pour l’industrie.

 

Aux pages suivantes, nous présentons des arguments convaincants en faveur de l’évaluation systématique de la contribution économique apportée par la biodiversité et les services écosystémiques au bien-être de l’homme, et de mesures de routine visant à prévenir la perte ou réduction de cette contribution en raison de négligence ou d’une mauvaise gestion. C’est un appel lancé à chacun d’entre nous, que vous soyez un citoyen, un décideur politique, un administrateur local, un investisseur, un entrepreneur ou bien un universitaire, pour réfléchir à la fois à la valeur de la nature et à la nature de la valeur.

 

Remarque à l’attention du lecteur

La présente synthèse s’appuie sur les résultats de six rapports TEEB qui ont été publiés ces trois dernières années. Par souci de commodité, nous faisons ici référence à ces rapports à l’aide de lettres uniques suivies du numéro du chapitre concerné :

I Rapport intérimaire de la TEEB

C Mise à jour sur les problèmes liés au climat de la TEEB

F Fondements économiques et écologiques de la TEEB

N La TEEB pour les décideurs politiques nationaux et internationaux

L La TEEB pour les décideurs politiques locaux et régionaux

B La TEEB pour les entreprises

Exemple : [F5] fait référence au Chapitre 5 des Fondements économiques et écologiques de la TEEB

Des résumés succincts de tous les rapports sont fournis dans l’encart.

Les renseignements concernant les contributeurs sont publiés à l’Annexe 3.

Lexique : une définition des mots et expressions indiqués à l’aide d’une flèche → est fournie au lexique de l’Annexe 1.

TEEBcases : les exemples des quatre coins du globe qui illustrent la façon dont les services écosystémiques sont déjà pris en compte dans l’élaboration des politiques locales/régionales. Les TEEBcases ont été révisés par des experts indépendants et, une fois prêts, sont téléversés vers le site teebweb.org.